« Celui qui n’est jamais allé sur la Grande Muraille n’est pas un brave. »

 

Le réveil sonne. Il n’est pas bien tard, mais pas question de lézarder car aujourd’hui, on va sur la Grande Muraille de Chine !

Une fois préparés et nos sacs lestés de tout ce qu’il y aura d’inutile pour cette randonnée (et Dieu sait que ça nous enlève du poids !) rendez-vous à Dongzhimen, ancienne porte de la ville médiévale de Pékin et où se situe notamment une gare routière. Pour aller plus vite, et comme ce n’est pas loin, on prend le taxi. Un Mc Do formule breakfast en guise de petit déjeuner à même la gare (MIAAAM !), et nous partons prendre notre bus. Comment savons-nous quel bus prendre ? En grands malins, on s’était renseignés sur le très bon forum anglophone spécialisé sur les treks sur la Grande Muraille : GreatWallForum. C’est donc très informés que nous nous sommes dirigés vers le bus 916, – et ce malgré qu’un taxi tente de nous détourner de notre chemin en annonçant vouloir nous emmener sur la Muraille – et que nous avons payé un ticket beaucoup moins cher que prévu, la caissière peu concentrée ayant encaissé la somme de la dame derrière nous (encore une pressée qui voulait passer avant nous…) en pensant que c’était le notre. Nous partons donc direction Huairou pour 5 yuan (0.55€) pour faire bien 80 km afin d’atteindre Huairou. La roue tourne ! Pour une fois on gagne de l’argent sur les trajets !

Une fois arrivés là-bas, nous ne sommes pas encore à la Muraille, il est nécessaire de faire 30 km de plus dans les montagnes pour rejoindre Jiankou, la section de la Muraille que nous avons choisie. D’après le forum, il est possible de prendre un taxi qui nous emmènerait sur place pour une somme comprise entre 160 et 220 yuans. Arrivés en bus à la gare routière, j’en négocierais un à 140 yuan (15.56€) ! Ma négociation fera d’ailleurs rire les badauds qui ne cesseront de nous indiquer que c’est vraiment un prix très bas. Tant mieux !

Après bien 3/4 d’heures à zigzaguer dans les routes des magnifiques et luxuriantes montagnes, et après s’être acquittés de 20 yuans par personne pour l’entrée du parc, le taxi nous dépose enfin à Jiankou !  Pourquoi Jiankou ? Ce fut un choix difficile car on avait de nombreux critères : nous voulions une portion de la Muraille peu empruntée, peu ou pas rénovée, intéressante et surtout suffisamment longue pour qu’on puisse y faire une randonnée de deux jours dessus. Jiankou remplissait tous ces critères, la difficulté du lieu en plus ! Avant tout démarrage de la randonnée, il nous est impératif de trouver un endroit où on peut acheter de l’eau. Souvenez-vous, nous avions la veille au soir voulu en acheter près du Temple du Ciel, mais n’avions pas trouvé de supermarché. Etant dans un petit village au pied des pics rocheux de la Muraille, on espère au moins un supermarché, voire un restaurant car sinon on ne tiendra même pas une demi-journée avec ce qui nous reste. C’est finalement dans un gîte que nous achèterons pour 5 litres d’eau.

C’est parti ! Des petits chemins un peu bétonnés constituent les quelques centaines de premiers mètres de la voie d’accès pour rejoindre la Muraille avant que l’on s’enfonce dans la forêt et qu’elle se transforme en un sentier terreux bien moins praticable et bien plus pentu ! Si au départ des panneaux annonçaient que cette section de la Muraille est fermée au public – et incite les villageois à la délation en gros – il est marrant de constater qu’il sont rapidement supplantés par des panneaux  nous demandant de faire attention à ne pas dégrader la Muraille quand nous serons dessus…  Drôle de schizophrénie administrative ! Ceci étant, la progression dans la forêt n’est pas si difficile bien que je doive souvent avancer avec des branches dans la figure (oui les chinois sont petits…), qu’il faille faire face à des insectes volants non identifiés, qu’il fasse plus chaud que jamais et que le sentier passe par quelques pierres glissante… car située sur le lit d’un ruisseau.

La pente se raidit. Marylou ralentit le rythme, moi j’accélérerais presque car c’est signe qu’on s’approche des sommets ! Je la distance de plusieurs dizaines de mètres pour les foulées finales qui me mènent sur les voies de la bravoure. J’y suis ! La Grande Muraille de Chine ! Est-il toujours nécessaire de présenter cette énorme fortification militaire construite entre le IIIe siècle avant Jésus Christ et le XVIIe siècle sur 6 700 km sur de multiples portions que l’on retrouve en au haut des montagnes les plus abruptes mais aussi allant jusqu’au Désert de Gobi ou la Mer Jaune ! J’exulte ! A de telles altitudes, avec une telle vue et de tels efforts, il ne reste rien d’autre à faire que de sourire et de crier. Marylou ne sera d’ailleurs par en reste. Notre ascension débouchant quasiment sur une tour de garde (car oui la Muraille avait une utilité militaire je vous le rappelle !), nous décidons, non pas de manger à l’intérieur car le toit est quasiment tout écroulé donc ça n’a pas d’intérêt, mais de manger au-dessus, sur la partie de toit restante afin de dès le départ prendre de la hauteur pour visualiser notre parcours ! Il n’est pas bien difficile de monter au-dessus si tant est que l’on parvienne à vaincre le vertige en oubliant que sur la gauche se trouve un énorme précipice. Repas de nouilles chinoises assez salvateur après notre bonne ascension, mais malheureusement pas silencieuse car sur les tours environnantes, des petits groupes de deux-trois chinois s’interpellent et se parlent… Bon dieu on a choisi cet endroit pour le calme ! Espérons que la difficulté du lieu fasse qu’il ne s’aventurent pas bien loin, nous laissant ainsi tranquilles pour la suite, car les chinois ne sont pas des amoureux de la randonnée.

Après ce déjeuner, vient le moment de prendre enfin la route sur cette mythique fortification. Pour schématiser, nous sommes au milieu de la section de la Muraille de Jiankou, ainsi à mi-distance entre l’extrémité à l’est matérialisée par la tour de Zhengbeilou, réputée pour avoir le plus beau panorama de toute la Grande Muraille, et l’extrémité au nord matérialisée par la tour Jiuyanlou (appelée aussi Nine eyes Tower en raison de ses neufs fenêtres par mur) qui est la plus grosse tour de la Muraille. J’avais personnellement comme idée de rejoindre Jiuyanlou en passant par la Muraille avant de prendre un chemin dont je sais (pour avoir vu des cartes sur Internet) qu’il retourne à la ville et ainsi marcher jusqu’à un chemin qui atteint directement Zhengbeilou pour y dormir. Marylou se ralliant à cette idée, nous voilà partis vers le nord ! Si nos premiers pas se font sur une muraille pas trop défoncée, c’est-à-dire dont les murs verticaux de part et d’autre sont encore debout et le sol est à peu près plat bien que des plantes obstruent une partie du sol, rapidement on tombe face à un précipice juste après une tour. Dans la tour d’après, des chinois -encore eux!- nous indiquent de passer par dessus la rambarde sur notre gauche car une voie passant dans la montagne permettrait de contourner.  Si cela constitue une formalité pour moi, c’est bien moins le cas de Marylou qui n’apprécie d’ailleurs pas que je la filme, ce dont je me permets car je sais la dangerosité moindre.

Le contournement effectué en 15-20 minutes non sans un petit passage en escalade pas bien haut mais dont la difficulté m’a fait craindre pour Marylou, nous voilà de retour sur la Muraille. Devant la perte de temps que ce contournement a constitué, je promets à Marylou qui si nous en croisons un autre important, nous retournerons en arrière et nous dirigerons directement vers Zhengbeilou.  Justement, nous en croisons rapidement un autre, mais il est vraiment petit ce qui explique que l’on ne rebrousse pas chemin. Alors qu’après ça on progresse à travers les petits chemins sur la Muraille qui ont été dégagés à travers la végétation qui l’a recouvert, on tombe au détour d’une tour (jeu de mots…) sur une Australienne qui nous explique qu’elle vient tout juste du village avec deux Américains qui sont eux partis jeter un oeil à une tour plus en hauteur qui se situe un peu plus loin et que l’on peu apercevoir. Alors qu’elle nous annonce qu’on va nécessairement les croiser, quand elle apprend que l’on avance sans carte, elle nous conseille de demander aux Américains de voir la leur sachant qu’ils ont en plus un GPS. 20-30 minutes plus tard, nous les rencontrons enfin, effectivement au sommet de la tour en question. Après vérification sur leur carte,  nous sommes sur la tour appelée Beijing Knot (soit littéralement le « Noeud de Pékin ») et ils nous indiquent que d’après leur carte, il est possible d’atteindre avant la fin de journée Jiuyanlou et que ça ne doit pas être si difficile car ils ont aperçu au loin des chinois -rhaaa !- habillés de manière décontractée se promenant sur cette portion.

C’est donc avec finalement comme objectif de dormir sur Jiuyanlou (et non Zhengbeilou) que nous les quittons. Malheureusement, nous tombons rapidement  face à un pan de la Muraille facilement à 75° et dont les courtes marches qui le composaient sont quasiment inexistantes. Il subsiste simplement des pierres difformes qui permettent tout juste de descendre par paliers. Je ne pense pas que les chinois « en tenue décontractée » soient passés par là… Il est déjà assez impressionnant que des hommes aient pu construire sur de telles pentes ! Ce n’est pas pour rien que la Muraille aurait fait plus de 10 millions de morts pour ses constructions et rénovations ! La descente étant assez difficile avec un sac et je propose donc à Marylou de prendre le sien. C’est ainsi avec un sac sur le dos et le sien dans ma main gauche, que je dépose paliers après paliers, que je descends lentement mais sûrement. Marylou met davantage de temps, mais finit par y arriver. C’était pas évident du tout, il fallait combattre fortement le vertige mais elle a réussi. Elle m’annonce d’ailleurs qu’elle ne l’aurait jamais fait si on n’avait pas eu l’épisode de la montagne sur l’Ile d’Olkhon. Je ne la crois pas une seconde, connaissant sa manie à se dévaloriser.

Ceci étant, alors que l’on se croît à peu près tranquilles, une nouvelle série de portions à pic se succèdent, plus petites, moins difficiles car cette fois les paliers qui étaient formés par les marches autrefois sont encore bien en place, mais tout aussi dangereux en cas de chute. Une fois encore, je m’acquitte de la difficulté avec le sac de Marylou dans les mains tandis que cette dernière fait une descente bien plus rapide, reconnaissant elle-même dans le même temps (pour se convaincre ?) que c’est moins difficile.  Toujours est-il qu’après analyse, je peux affirmer à Marylou que le reste de la route jusqu’à Jiuyanlou se fera sans difficulté. C’est donc tout joyeux, avec la musique à fond dans nos oreilles que nous atteignons en moins d’une heure la tour.

J’arrive le premier. Il est pas loin de 18H. Je remarque que la tour est remplie, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’intérieur, on peut seulement monter au-dessus. Etant éventrée de moitié, je m’applique à grimper sur le toit en utilisant la face détruite à l’est. J’y parviens. Je remarque que le dessus est suffisamment large et long pour accueillir notre tente si je parviens à le dégager de certaines pierres et plantes. C’est chose faite alors que me mets sur la rambarde pour attendre Marylou que j’ai semée sur le chemin que je savais sans difficulté. Alors qu’elle arrive tout sourire, l’idée me vient que l’on ne doit probablement pas être sur la tour Jiuyanlou car ne sont présentes aucune des neufs fenêtres sur chaque pan de la façade. Plus au nord, lorsque le brouillard de chaleur nous le permet, on peut remarquer sur une plus haute montagne encore une tour. De loin, on peut apercevoir des fenêtres et je me doute alors que ce doit être celle-ci bien que l’ascension me paraisse alors impossible jusque là haut si on suit la muraille qui n’est d’ailleurs, à partir de notre tour et jusque là-haut, plus qu’un tas de cailloux. Tant pis ! Trop tard ! Nous avions pour objectif la tour où nous sommes en nous trompant sur son identité, c’est pas grave ! Le contrat demeure rempli !

 

Après avoir monté gaiement la tente, laissant dans le vide la porte extérieure de la tente formée par la paroi imperméable (seconde peau) faute de place, je me mets ensuite à la recherche de branches pour qu’on puisse faire un feu. J’en trouve énormément en bas de la tour et c’est en véritable Mc Gyver que j’arriverais à les remonter sur le toit en agrippant à la paroi avec seulement une main de libre.  C’est donc ainsi que je prépare le feu au nord du toit qui est assez long pour que ce premier ne menace pas la tente et que nous puissions très largement nous étendre autour. Alors que le soleil décline enfin, je me décide à allumer le feu qui s’embrase immédiatement grâce aux nombreuses brindilles prises sur des plantes sèches présentes sur le toit.

 

Nous cuisinons ainsi nos pâtes chinoises au réchaud et mangeons devant ce magnifique feu qui illumine nos visage d’une douce lueur rougeâtre. Alors que Marylou met de la musique à l’aide de son MP3 qui a des enceintes, nous contemplons le village en contrebas où on espère qu’ils ne nous voient pas (car il est interdit de dormir sur la Muraille) et remarquons même des lampes torchent au loin, sur la Muraille, à l’emplacement présumé de la tour Zhengbeilou. C’est donc sans regrets que nous n’avons pas dormi dessus comme prévu au départ car cela nous permet d’être tranquilles et de nous perdre dans la lueur des flammes.

Plus tard, alors que la Lune que nous apercevons pas intermittence, est déjà bien haute dans le ciel et que le feu se consume lentement, nous rentrons dans la tente nous coucher après cette fantastique journée.

 

Yayann


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